Médaille militaire

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La décoration militaire : une tradition monarchique plurimillénaire

Lors de l’instauration de l’Ordre de la Légion d’honneur en 1802, le Conseil d’État craint de voir dans l’invention du Premier consul Bonaparte les « hochets de la monarchie » abolis depuis 1791 : « Je défie qu’on me montre une république ancienne ou moderne dans laquelle il n’y ait pas eu de distinctions ! ». Avec raison, Napoléon Bonaparte invoque l’Histoire de son côté. Que ce soient les rois du Proche-Orient, de l’Égypte ou les empereurs romains, tous prennent le soin de distinguer les hommes valeureux s’illustrant au combat. Rome, pendant des siècles, décerne les palmes de la victoire aux soldats ayant arpenté les provinces de la République et de l’Empire.

Les ordres ainsi que les décorations de notre État moderne puisent leurs origines dans la tradition médiévale de l’ordre religieux. L’ordre (du latin ordo) est la règle contemplant les vœux de l’initié rentrant dans l’opus dei. Parmi eux, nous connaissons l’ordre des Templiers mais aussi celui des chevaliers de Malte. Les récipiendaires de ces honneurs sont exclusivement des nobles.

Le pouvoir royal du temps de l’Ancien régime cherche à structurer la société française autour de la figure du roi de France plutôt que de celles des seigneurs. Comme le renforcement d’un État centralisé passe par celui de ces élites les plus distinguées, le pouvoir royal pare les plus fidèles d’entre elles de décorations : Outre-Manche, le roi Édouard III d’Angleterre gratifie ses chevaliers de l’ordre de la Jarretière et le roi Henri IV de France celui de l’ordre de Notre-Dame-du-Mont-Carmel.

La Légion d’honneur : ordre suprême des militaires et des civils

Napoléon Bonaparte, en instituant l’Ordre national de la Légion d’honneur en 1802, veut récompenser les militaires comme les civils pour la seule raison de leur mérite. Cette distinction égalitaire, prenant ses racines dans la Révolution française, a pour particularité d’élever à la dignité de chevalier aussi bien les civils, les sous-officiers, les généraux que les maréchaux.

Cette décoration puise, selon toute vraisemblance, ses origines dans l’ordre royal et militaire de Saint-Louis institué par le roi Louis XIV en 1693. Elle aussi, de manière précoce, veut récompenser les soldats les plus valeureux du royaume qu’importe leur classe sociale. De tous les ordres royaux créés au cours des siècles, l’ordre de Saint-Louis est le seul à subsister aux âpres de la Révolution.

Le Second Empire (1852 – 1870) : de la médaille militaire à la décoration commémorative

Dans la nuit du 1er au 2 décembre 1851, le président de la République, Louis-Napoléon Bonaparte, rétabli l’Empire français par un coup d’État. Moins de deux mois plus tard, il institue la médaille militaire destinée aux sous-officiers et, à titre exceptionnel, aux officiers généraux.

Dans la lignée de son oncle, Louis-Napoléon Bonaparte souhaite féliciter la conduite exemplaire de ses hommes : « (…) combien de fois ai-je regretté de voir des soldats et des sous-officiers rentrer dans leurs foyers sans récompense (…) » dit-il aux premiers récipiendaires de la décoration le 22 mars 1852.

L’avènement du Second Empire marque également l’entrée massive de la médaille commémorative dans les us et coutumes du pouvoir français. Par rapport aux ordres et aux décorations, les médailles commémoratives peuvent être vues comme des décorations beaucoup plus humbles. Au départ, au moment de la Restauration de Louis XVIII en 1815, elles ont un caractère plus politique qu’honorifique en récompensant les soldats ayant lutté pour la monarchie durant la Révolution française et le Premier Empire. Du temps de Napoléon III, un demi-siècle plus tard, les médailles commémoratives rappellent le souvenirs des expéditions militaires (comme au Mexique ou en Chine) mais aussi la présence d’un vétéran aux côtés de Napoléon Ier (la médaille de Sainte-Hélène destinée aux « compagnons de gloire » de l’Empereur dans les « campagnes de 1792 à 1815 »).

L’ère républicaine : renforcement de la décoration militaire et inflation de la médaille civile

Au début de la Grande Guerre, en 1914, la France ne disposait d’aucune autre décoration militaire pour récompenser les actes guerriers individuels de courage que la Légion d’honneur et la médaille militaire. La Troisième République institue alors la croix de guerre 1914 – 1918 pour honorer les militaires de la Première Guerre mondiale. Cette décoration, remise entre 1915 et 1920, est la seule créée au cours du premier conflit mondial.

Lors de l’entrée en guerre de la France en 1939 face à son voisin allemand puis à l’armistice du 22 juin 1940 mettant un terme aux hostilités, la République traverse des perturbations politiques inédites à l’origine de distinctions militaires diverses. Après la guerre, le général de Gaulle (1890 – 1970) récompense ses plus fidèles partisans de l’ordre de la Libération (1940) ou de la médaille des services volontaires de la France libre (1946).

Quant aux décorations créées par le gouvernement de Vichy, celles-ci sont abrogées et interdites de port au lendemain de la Libération.

Dans le dernier quart du XIXe siècle, la Troisième République décerne une quantité importante de décorations adressées à la société civile. En effet, bien que les militaires aient un apanage considérable de décorations à leur disposition, il n’en est rien pour les fonctionnaires d’État et les civils. Les ministères de la République attribuent ainsi des décorations aux membres les plus émérites de la société. L’ordre des Palmes académiques (1808) récompensant les professeurs et membres de la communauté éducative, l’ordre du Mérite agricole (1883) mais encore l’ordre du Mérite maritime (1930).